Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/99

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Leur foule, en s’élançant de ces rets déploiés,
Frappe le sable humide & bondit à mes pieds.
Je les vois, je les compte, & vais dans mon asyle
Jouir de ma conquête, & d’un plaisir utile.
Cent fois, dans ma jeunesse, aux rives des ruisseaux,
J’ai semé les buissons d’innombrables réseaux ;
Avec quel mouvement d’espérance & de joie,
Vers la fin d’un beau jour, j’allois chercher ma proie !
A présent même encor, sous les rameaux naissants,
De l’oiseau de la nuit j’imite les accents ;
Bientôt de la forêt j’entends la troupe ailée
S’avancer, voltiger autour de ma feuillée ;
J’écoute, en palpitant, leur vol précipité ;
D’un transport vif & doux mon cœur est agité,
Quand je les vois tomber sur ces verges perfides
Qu’infecta de ses sucs l’arbrisseau des druides.
O doux emploi des jours ! Agréables moments ! ...
Mais l’automne offre encor d’autres amusements,
Des plaisirs, des succès qu’accompagne la gloire,
Où le courage & l’art menent à la victoire.
Entendez-vous quel bruit rétentit dans les airs ?
Et d’échos en échos roule dans les déserts ?
La discorde, Bellone, ou le dieu de la guerre,
Par ces sons éclatants menacent-ils la terre ?
De la vaste forêt l’espace en est rempli ;
Dans ses sombres buissons le cerf a tressailli.
Au monarque des bois la guerre est déclarée ;
Il a vu d’ennemis sa demeure entourée,
Et des chiens dévorants en groupes dispersés,
De distance en distance autour de lui placés.
Là, le coursier fougueux, leve sa tête altière ;
D’un œil impatient il parcourt la bruïere ;
Le chasseur fatigué de ses vains mouvements,
De la course tardive avance les moments,
Et sur les pas du cerf dont la terre est empreinte,
Il perce, au son du cor, le centre de l’enceinte.
Le timide animal s’épouvante & s’enfuit ;
Il voit dans chaque objet la mort qui le poursuit ;