Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/288

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Dès que je fus habillé, je descendis dans la cour où je trouvai Philips & Sara. Le soleil venoit de se lever ; le ciel conservoit encore une légère nuance de ce jaune brillant qui succède à la blancheur que lui donne le crépuscule & qui précède ce bleu sombre qu’il prend pendant le jour. On respiroit le parfum des arbres & des plantes, & ce vent frais qui suit le lever du soleil ; la campagne, les hommes & les animaux reprenoient le mouvement ; les troupeaux sortoient de l’étable, les pigeons de la voliere, & les poules se répandoient dans la cour ; les domestiques se disposoient au travail. J’avoue que pour la premiere fois de ma vie je sentis bien le plaisir de voir commencer le jour, & je suis persuadé que Philips & Sara, malgré les foins dont ils s’occupoient alors, n’étoient pas insensibles à ce plaisir.

Je remarquai que dans la distribution du travail ils affectoient de placer toujours plusieurs ouvriers ensemble : ils disoient même aux bergers de conduire leurs troupeaux dans de certains lieux, voisins de ceux où travailloient les autres domestiques. Cette attention me parut singuliere ; je le dis à Sara. Les hommes égayent, me dit-elle, le travail qu’ils font ensemble ; la joie d’un seul