Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/293

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trouvoit de la sagacité & l’amour de l’étude ; il voulut me faire part de ses connoissances & parut content de mes progrès. Mon pere, un des hommes les plus éclairés de son siècle, l’étoit autant peut-être que les Philosophes qui ont eu le plus de réputation ; c’est ainsi du moins que j’en ai jugé, lorsque j’ai comparé les instructions qu’il me donnoit avec celles que j’ai puisées dans les livres. Il avoit au souverain degré le courage d’esprit, & n’a jamais été effrayé des conséquences d’un systême qu’il avoit adopté ou d’un parti qu’il avoit pris. Je tiens de lui ce caractere ; & les leçons qu’il m’a données ne l’ont point affoibli. Mon pere étoit sensible aux beautés de l’art & à celles de la nature ; il avoit l’imagination vive & l’ame noble & tendre ; la philosophie trop seche, celle qui dégrade l’homme ou qui le glace, ne pouvoit être la sienne : il lui en falloit une plus favorable à l’enthousiasme qu’il sentoit pour la vertu & aux plaisirs de l’imaginattion. Je n’avois pas dix-huit ans & mon pere trouvoit que j’ajoutois des idées à celles qu’il m’avoit données. Je partageois aussi son goût pour les lettres ; il s’amusoit de ma conversation, je faisois son bonheur ; il ne pensoit point à me