Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/302

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rêtant de tems en tems & aux moments où j’avois peine à trouver les moyens de lever certains obstacles, ou de répondre à de certaines objections. Je tombai enfin, plutôt que je ne m’assis, sur un gazon où je restai plongée dans la plus profonde rêverie ; je vis arriver Philips qui me cherchoit depuis long-tems. Je n’avois jamais senti si vivement le plaisir de le voir & la nécessité absolue de ne m’en séparer jamais. Je lui fis part des desseins de mon oncle & des regrets sincères que j’avois de déplaire à ma famille en refusant d’accepter des propositions raisonnables. Sans doute, j’appuyai trop sur mes regrets ; je me reprocherai toute ma vie la peine cruelle que je portai dans le cœur de Philips : je le vis pâlir ; un tremblement s’empara de tout son corps ; ses yeux avoient un mouvement extraordinaire & de l’égarement ; il n’articuloit que quelques mots ; chaque syllabe lui coûtoit à prononcer. Il faut, disoit-il,.... oui, il le faut..... c’est un jeune homme vertueux..... vos parents... votre rang.... il faut..... il le faut. Je vis ses yeux s’éteindre en me regardant : il tomba sur ses genoux en s’appuyant sur une main. Je ne me possédai plus : je m’élançai pour soutenir mon