Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/307

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& que ceux qui dépendront de moi, & ceux de qui j’ai tant de plaisir à dépendre, seront également contents.

Le vieillard étoit transporté de joie ; ce bonheur sans doute a prolongé sa vie. Il acquit en propre la Métairie dont il n’étoit que le Fermier ; notre mariage fut conclu ; & depuis ce moment où j’ai pris le nom & l’état de l’homme que j’aime, il ne s’est pas écoulé une heure sans que je m’applaudisse de ma destinée. Nous sommes heureux, & nous pouvons nous flatter que nous le serons toujours autant que peut le permettre la nature.

Philips & moi nous je faisons usage de nos connoissances, de la philosophie de mon père & de notre amour pour les Lettres que pour assurer notre bonheur. Nous sommes attentifs à chercher tous les plaisirs que nous permet notre situation, & nous nous apprenons à les goûter. Une source la plus extraordinaire des chagrins des hommes, c’est qu’ils courent après des plaisirs qui ne sont pas faits pour eux, & qu’ils ne sçavent point accorder leurs principes, leurs goûts, leurs occupations avec leur état & leur caractère. C’est une erreur dans laquelle nous ne sommes