Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/313

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droit la place de nos occupations champêtres ; sans fatigue, sans devoirs, sans fonctions, toujours amusés, nous serions bientôt dégoûtés de ce qui nous amuse ; si nous pouvions nous passer de nos moissons & de nos troupeaux, nous serions moins touchés de l’espérance d’avoir de bonnes moissons & de belles laines ; nous ne sçaurions plus jouïr de cette espérance ; nos champs, presqu’inutiles, ou seulement utiles à notre superflu, seroient moins précieux pour nous ; nous verrions la campagne avec indifférence, & que sçait-on si les autres enthousiasmes, qui font les délices de nos cœurs, ne s’éteindroient pas avec celui que nous inspire la nature ! si notre ame perdoit de son activité, (& la vie oisive lui en ôte toujours), notre amour s’affoibliroit peut-être. Tous nos sentiments nous rendent heureux ; ils sont assortis à notre état, ils tiennent les uns aux autres ; notre bonheur tient à un systême bien combiné & auquel il ne faut rien changer.

Je fis de nouveaux efforts, & je ne pus obtenir de mes vertueux parents qu’ils rentrassent dans les biens qu’ils m’avoient cédés ; mais j’obtins d’eux qu’ils m’aimeroient, qu’ils me donneroient de leurs nouvelles, & qu’ils me permettroient