Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se leva avec précipitation, elle s’écria : je suis perdue. Non, vous ne l’êtes point, lui dis-je : vous voyez devant vous ce parent qui vous a aimée dès son enfance & qui vous a pleurée amérement : ne rougissez plus d’avouer votre passion pour un mari vertueux. Vous m’avez laissé votre fortune ; je suis prêt à vous la rendre ; acceptez-là, je vous en conjure ; mais quelque parti que vous preniez, soyez sûre d’un secret inviolable. J’eus beaucoup de peine à calmer Sara ; elle ne se consoloit pas d’avoir mis dans sa confidence un homme qui n’y étoit pas nécessaire. Quant à ses biens, elle fut inébranlable ; & Philips, qui rentra un petit moment après que je me fus fait connoître, pensa comme elle.

Voyez, me disoit-il, notre métairie, faites-en la visite, & vous la trouverez remplie de tous les biens nécessaires : voyez nos jardins, nos champs, nos prés, nos troupeaux, & dites s’il peut nous manquer quelque chose ; voyez nos meubles, ne sont-ils pas commodes ? notre table n’est-elle pas saine & abondante ? Si nous avions plus de richesses, nous ne ferions plus, avec le même intérêt, ce que nous faisons aujourd’hui ; le goût du travail seroit moins vif en nous ; l’ennui pren-