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Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/330

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village, où s’élèvent depuis des siècles les héritiers de l’Empire. Là, Matomba jouïssoit de la terre, du ciel & de sa conscience. Les querelles, la paresse, le mensonge, les devins, les prêtres, la dureté de cœur n’entrent point dans le village d’Onébo. Les jeunes princes ne peuvent y voir que de bons exemples. Le sage Matomba m’y faisoit perdre les sentiments d’orgueil & d’indolence que m ’avoient inspirés mes nourrices & la cour ; je travaillois à la terre comme les serviteurs de mon maître, & comme lui-même. On m’instruisoit des détails de l’Agriculture, qui fait toutes nos richesses. On me montroit la nécessité d’être juste, imposée à tous les hommes, pour qu’ils pussent élever leurs enfants & cultiver leurs champs en paix. On me montroit que les princes entre eux étoient dans la situation des laboureurs d’Onébo, qu’il falloit qu’ils fussent justes les uns envers les autres, afin que leurs peuples & eux-mêmes pussent vivre contents.

Mon maître avoit une fille, la jeune Ellaroé, je l’aimai & j’appris bientôt que j’étois aimé ; nous conservions, l’un & l’autre, la plus grande innocence ; mais je ne voyois qu’elle dans la nature, elle n’y voyoit que moi, & nous étions