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Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/332

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arts & des mœurs de l’Europe ; je trouvois dans vos arts bien des superfluités, & dans vos mœurs bien des contradictions. Vous sçavez quelle passion les noirs ont pour la musique & la danse. Les Portugais avoient plusieurs instruments qui nous étoient inconnus, & tous les soirs ils nous jouoient des airs que nous trouvions délicieux ; la jeunesse du village se rassembloit & dansoit autour d’eux ; j’y dansois avec Ellaroé. Souvent les Portugais nous apportoient de leurs vaisseaux des vins, des liqueurs, des fruits, dont la saveur flattoit notre goût ; ils recherchoient notre amitié & nous les aimions sincérement. Ils nous annoncèrent un jour qu’ils étoient obligés de retourner bientôt dans leur païs ; cette nouvelle affligea tout le village, mais personne autant qu’Ellaroé. Ils nous apprirent, en pleurant, le jour de leur départ ; ils nous dirent qu’ils s’éloigneroient de nous avec moins de douleur, s’ils avoient pu nous donner une fête sur leurs vaisseaux ; ils nous pressèrent de nous y rendre le lendemain avec les jeunes gens les mieux faits & les plus belles filles du village. Nous nous y rendîmes conduits pas Matomba & par quelques vieillards, chargés de maintenir la décence.