Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/341

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plusieurs mains cruelles firent de vains efforts pour nous détacher. Je sentis que ces efforts ne seroient pas long-tems inutiles : j’étois déterminé à m’ôter la vie, mais comment laisser dans cet horrible monde, ma chère Ellaroé ? j’allois la perdre, je craignois tout, je n’espérois rien, toutes mes pensées étoient barbares : les larmes inondoient mon visage ; il ne sortoit de ma bouche que des hurlements sourds, semblables au rugissement d’un lion fatigué du combat ; mes mains se détachant du corps d’Ellaroé se portèrent à son col..... O grand Orissa !.... les blancs enlevèrent mon épouse à mes mains furieuses ; elle jetta un cri de douleur au moment où l’on nous désunit ; je la vis porter ses mains à son col pour achever mon dessein funeste ; on l’arrêta : elle me regardoit : les yeux, tout son visage, son attitude, les sons inarticulés qui sortoient de sa bouche, exprimoient les regrets & l’amour.

On m’emporta dans le vaisseau de votre nation ; j’y fus garotté & placé de manière que je ne pus attenter à ma vie ; mais on ne pouvoit me forcer à prendre de la nourriture. Mes nouveaux tyrans employèrent d’abord les menaces ; bientôt ils me