Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/348

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Observez encore que les nègres habitent un païs où la nature est prodigue, & qu’il leur faut peu d’industrie pour satisfaire à leurs besoins ; d’ailleurs, il ne faut ni esprit, ni invention pour se garantir des inconvénients de la chaleur, & il en faut beaucoup pour se garantir des inconvénients du froid. Par conséquent, on exerce moins son esprit sous l’Equateur qu’en-deçà du Tropique ; & la raison doit faire des progrès moins rapides chez les peuples du midi, qu’elle n’en fait chez les peuples du nord.

Malgré les avantages des circonstances, qu’étions-nous il y a quatre cent ans ? L’Europe, si vous en exceptez Venise & Florence, ne valoit peut-être pas le Congo & le Benin. J’ai voyagé & je sçais l’histoire. Oui, les grands peuples chez les nègres font à-peu-près ce que nous avons été depuis le neuvième jusqu’au quatorzième siècle. Les mêmes opinions absurdes, les épreuves, les sortilèges, les droits féodaux, des loix atroces, des arts grossiers étoient alors chez nos ancêtres, & sont aujourd’hui chez les Africains.

Portons leurs nos découvertes & nos lumières ; dans quelques siècles ils y ajouteront peut-être, & le genre humain y aura gagné. N’y aura-t-il jamais de prince qui fonde des colonies avec des