Page:Saint-Martin - Poésies, 1860.djvu/50

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Un mouvement secret fit incliner mon choix
Sur le jeune Alexis, un humble villageois,
Qui, dans la piété, le travail, la misère,
Venait de terminer une courte carrière.
Ce nouveau Jérémie inonda de ses pleurs,
Ces champs où, chaque jour, il versait ses sueurs ;
Ces champs où, maintenant, sa dépouille repose.
Nos erreurs, nos dangers en étaient seuls la cause :
Oe n’étaient point ses maux : il se trouvait content.
Malheureux journalier ; mais actif, patient,
Malgré son infortune, on sait dans la contrée,
Si jamais, dans son cœur, la plainte était entrée :
Chacun he regardait comme un ange de paix.
Les pauvres, fréquemment, éprouvant ses bienfaits,
Recevaient de sa main sa propre subsistance.
Et quand nous lui disions : Alexis, la prudence
Te permettrait d’agir moins généreusement.
Le sensible Alexis répondait en pleurant,
Ainsi que cet Indien au bon missionnaire :
Voyez que Dieu par là devient mon tributaire.
Tel était cet agneau qui, par moi, fut choisi.
Dans le zèle brûlant dont mon cœur est saisi,
Et quel zèle jamais parut plus légitime !
En esprit, près de moi, je me peins la victime ;
Je la prends, la prépare, et la mets sur l’autel ;
Ma main l’arrose d’huile, et la couvre de sel ;
Mes désirs et mes pleurs me servent d’eau lustrale,
Et bientôt de mon sein, un long soupir s’exhale :
BDieu d’amour et de paix, qui dans l’homme as semé
Des germes de ta gloire, et qui ne l’as formé