Page:Saint-Pol-Roux - La Dame à la faulx, 1899.djvu/17

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de ces êtres subtils empruntant ses lèvres. Les individus se solidarisent à l’infini et l'univers entier fuse par ce cratère minuscule, une bouche qui s’ouvre (i).

Tout le temps que plane son énergie ou que rampe sa faiblesse (cette énergie des autres), tout le temps que se développe son action ou que stagne son inertie (cette action des autres), l’homme est roi, fainéant ou superbe. On est ensemble effet et cause, à la fois créateur d’une création et création d’un créateur. Le mendiant de notre seuil, peut-être se rallie-t-il à César par son passé, et par son avenir au dernier éphémère. Ainsi donc, chaque être ayant pour compléments, anciens, présents, futurs, des voisins et des hôtes aimables et farouches à qui l’apparente une cohésion mystérieuse aux pathies variées, l’exprimerons-nous à travers cette atmosphère de corrélations soit par l'analyse à la façon des Primitifs qui déversent leur héros dans le ciel patrial, dans le verger d’alentour, dans la flore et la faune proches, et jusques dans l’aile du moulin et la poulie du puits, soit par la synthèse à la manière de Rembrandt qui dans une figure agglomère tous les climats, toutes les archives et tous les appétits d’une patrie. Car le génie a deux styles distincts : ou bien il thésaurise en un geste ramassé d’avare le

(i) Solitude, vide, silence : termes imaginés par l’ignorance. (S.-P. -R.)

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