Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/109

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fet, est tout dans cette musique ; l’expression n’y existe qu’à l’état rudimentaire, et résulte de la forme elle-même. Peu à peu l’expression se crée une place dans l’art musical ; les indications de lenteur et de vitesse commencent à se faire jour, celles ayant trait a l’intensité sont plus lentes à s’établir ; mais l’expression ressort toujours des formes employées, qui se compliquent de plus en plus, et les nuances peuvent être sans inconvénient livrées à l’arbitraire de l’exécutant ; elles n’apporteront à l’état général que des modifications peu apparentes.

Chez Sébastien Bach, où l’expression atteint une extrême puissance, elle ne vient cependant, comme importance, qu’en second lieu, et chez Mozart encore nous avons remarqué qu’on a pu s’y tromper et ne voir qu’un musicien là où il y avait un psychologue. Chez les modernes, le mouvement et la nuance sont devenus inséparables de l’idée, et les moyens de les indiquer se sont multipliés à l’excès ; mais ils ne peignent encore que le plus ou moins de vitesse, le plus ou moins d’intensité, et les essais tentés pour pénétrer plus profondément dans le domaine de l’expression sont timides et insuffisants. Quand on a dit molto espressivo, leidenschaftlich avec feu, avec un sentiment contemplatif, on n’a pas dit grand’chose, et force est de s’en remettre à l’intelligence ou plutôt à l’instinct des interprètes.

A la musique de Gounod, dans laquelle l’expression, tient une place inconnue avant lui, il aurait fallu tout