Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/111

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qui sévit d’un bout à l’autre du monde musical, est mortelle aux œuvres de Gounod, qui goûtait par-dessus tout une majestueuse lenteur et ne comprenait pas qu’un sentiment profond pût être exprimé dans un mouvement rapide.

Je ne voudrais rien dire de désagréable a personne, et pourtant la vérité me force à constater qu’a Paris même, où les traditions auraient dû être maintenues, les œuvres de Gounod sont défigurées. A l’Opéra-Comique, j’ai vu Mme Carvalho scandalisée des mouvements de Mireille et de Philémon et Baucis. A l’Opéra, la kermesse de Faust, dont les détails sont si curieusement dessinés, n’est plus qu’un tohu-bohu, le chœur des Vieillards, d’une raillerie si fine, qu’une charge grossière du plus mauvais goût ; la grâce antique du ballet a fait place au délire d’un pandémonium. Et c’est partout ainsi, quand ce n’est pas pis encore !

Gounod, d’ailleurs, se plaignait souvent de la difficulté qu’il éprouvait à communiquer ses intentions. Il me fit voir, un jour, de quelle façon il eût désiré qu’on exécutât l’ouverture de Mireille ; cela ne ressemblait en rien à ce que l’on connaît.

— C’est une calomnie, me disait-il, on me fait dire ce que je n’ai jamais pensé !

A qui la faute ? Non, certes, à des artistes qui ne manquent ni de talent ni de bonne volonté. Il faut remonter plus haut, jusqu’à cette loi de nature : un organisme est d’autant plus délicat qu’il est plus élevé. L’homme meurt d’une embolie, alors que le