Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/137

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Orion, causait une impression presque terrifiante par la splendeur sculpturale de ses bras, qui ne pouvaient appartenir qu’à une déesse. Tels n’étaient pas les bras de Rachel : minces, flexueux, ils offraient ces contours délicats, ces lignes serpentines que nous a montrés depuis l’impératrice Eugénie, dans tout l’éclat d’une beauté qui éblouissait l’Europe.

Les lignes serpentines, les contours délicats n’étaient pour rien dans le charme d’une actrice de zarzuela que j’ai applaudie plusieurs fois sur un théâtre d’Espagne. Grosse, courte, ramassée, elle semblait, au premier aspect, dénuée de toute grâce et de toute élégance. Dès qu’elle ouvrait la bouche et faisait un geste, elle se transfigurait ; avec une voix de qualité médiocre, mais étendue et sympathique, elle donnait aux chansons locales, si séduisantes par elles-mêmes, une séduction nouvelle ; il y avait au même théâtre une grande brune, admirablement belle, qu’elle éclipsait complètement.

Cette cantatrice au charme énigmatique me faisait songer a une autre, d’un ordre tout différent, artiste plus que célèbre, astre dont les rayons fulgurants ont incendié le ciel de l’art pendant de longues années. A un talent grandiose, elle joignait une beauté tragique dont le caractère était parfois l’objet de discussions passionnées. En ce temps-là, un violoniste très connu était souvent appelé dans la ville de N., où la musique était alors fort en honneur, grâce à l’influence d’un homme charmant,