Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/138

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amateur éclairé, très aimé et apprécié pour son haut mérite et ses rares qualités, faisant a N., comme on dit, la pluie et le beau temps, et chargé de la mission délicate de choisir les artistes destinés a être la principale attraction des fêtes musicales.

Un jour, à l’issue d’un concert auquel le violoniste avait pris part, l’homme influent lui confiait ses inquiétudes au sujet de la saison suivante. Le public, ayant le goût difficile, ne voulait entendre que des chanteurs de premier ordre ; on avait fait venir plusieurs fois M. X., Mme Y., Mlle Z., on ne savait plus à quel saint se vouer.

— Il me semble, lui dit le violoniste, que vous n’avez jamais engagé Mme *** ; c’est le plus grand talent qui existe.

— Tout le monde est d’accord là-dessus ; mais il paraît que sa beauté n’est pas à la hauteur de son talent ; mes compatriotes, vous le savez, aiment beaucoup les jolies femmes ; je craindrais qu’elle ne réussit pas.

— Je ne partage pas vos craintes ; elle a une taille admirable, des bras de statue, un cou de déesse, en un mot, une séduction qui ne se définit pas. Engagez-la et vous verrez.

— J’aimerais mieux voir avant. Ne pourriez-vous me présenter ?

— Qu’à cela ne tienne ; rien n’est plus facile.

Quelque temps après, l’amateur de musique venait à Paris, et la présentation était organisée chez la cantatrice. Elle habitait un ravissant hôtel, que le