Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/157

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lui ? Représenter à la scène une nébuleuse derrière laquelle se dissimulent les phalanges célestes, y faire entendre les sept trompettes et les sept tonnerres de l’Apocalypse, n’est-ce pas excéder ses ressources ? Seule, l’imagination peut se donner à elle-même de tels spectacles ; de plus, on arrive au concert à des effets de sonorité que le théâtre ne saurait rendre. C’est pourquoi j’ai toujours regretté que nos sociétés musicales ne fassent pas connaître à notre public cette œuvre étonnante à laquelle ils donneraient toute la splendeur désirable, cette œuvre qui, par son originalité, son audace, le bonheur de son inspiration, est un des miracles de la musique moderne.

Ni les saveurs pimentées, ni les soleils d’artifice ne font défaut à la Francesca da Rimini de Tchaïkovsky, hérissée de difficultés, ne reculant devant aucune violence ; le plus doux et le plus affable des hommes a déchaîné là une terrible tempête, et n’a pas eu plus de pitié pour ses exécutants et ses auditeurs que Satan pour les damnés. Tel est le talent, l’habileté suprême de l’auteur, qu’on prend plaisir à cette damnation et à cette torture. Une longue phrase mélodique, le chant d’amour de Francesca et de Paolo, plane sur cet ouragan, cette bufera infernal qui déjà, avant Tchaïkovsky, avait tenté Liszt et enfanté la symphonie Dante. La Francesca de Liszt est plus touchante, plus italienne surtout que celle du grand composteur slave, l’œuvre entière est ty