Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/165

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Peut-être sera-t-on curieux de connaître la genèse de la renaissance d’Orphée. Ce serait une erreur de croire que Carvalho, grand admirateur des œuvres de Gluck, eût médité leur résurrection dans le silence du cabinet ; il ne procédait pas ainsi. Carvalho, dans cette circonstance comme dans beaucoup d’autres, agissait sous l’empire d’un instinct, d’une intuition qui, bien souvent, l’a mieux servi que n’auraient pu le faire les combinaisons les plus savantes.

Donc, en ce temps-là, Mme Viardot ayant passé la première jeunesse était dans tout l’éclat de la seconde, qui valait plus encore : son talent avait mûri, s’était complété par des études incessantes ; la grande cantatrice italienne s’était doublée d’une musicienne accomplie, connaissant toutes les écoles, rompue à tous les styles, pouvant interpréter avec une égale supériorité Rossini ou Haendel, Meyerbeer ou Sébastien Bach. Admirablement installée dans son hôtel de la place Vintimille, elle aurait voulu partager son temps entre Paris et Londres, où la « saison » la réclamait au printemps ; mais, par un de ces phénomènes particuliers au monde des théâtres, ni l’Opéra, ni le Théâtre-Italien ne voulaient d’elle. Rossini, peu prodigue de ses démarches, était allé lui-même demander au directeur du Théâtre-Italien d’engager Mme Viardot pour jouer Otello ; le directeur avait répondu à Rossini qu’il n’avait besoin de personne.

L’étoile dédaignée se consolait en brillant dans les