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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/168

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Bertoni, — célèbre pour avoir refait, sur le même texte, l’Orfeo, en s’excusant, dans une préface hypocrite, de la liberté grande, et en pillant Gluck de la plus outrageuse façon. — L’air étant peu recommandable et d’un style qui ne se raccorde nullement avec le reste de l’ouvrage, on a pensé qu’il était de Bertoni. Berlioz le croyait, et s’est fort étonné de la présence de ce corps étranger dans le chef-d’œuvre. Or, la question étant étudiée à fond, il n’y a pas à douter : l’air est de Gluck ; et c’est Bertoni qui, plus tard, le lui a emprunté. Obsédé par le ténor Legros, qui voulait à toute force un air, Gluck aura pris celui-là dans ses vieux papiers, sans prendre la peine de le retravailler et de le mettre à la hauteur du reste de la partition.

Mme Viardot, qui était bien aise, elle aussi, de chanter un grand air, mais dont le goût était plus délicat que celui du ténor Legros, entreprit de faire quelque chose avec ce morceau démodé. Elle me pria de l’aider dans cette tâche ; nous l’entreprîmes avec d’autant plus d’ardeur que nous étions persuadés alors de tripoter un morceau dont l’auteur ne méritait aucun ménagement. Elle modifia les traits, substitua aux vermicelles rococo des arabesques de haut style ; de mon côté, j’écrivis un autre accompagnement, se rapprochant de la manière de Mozart. Berlioz eut l’idée de rappeler dans la cadenza le motif : « Objet de mon amour » ; et Mme Viardot ayant jeté sur le tout le manteau brodé de pierreries de son éblouissante