Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/181

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« Il y a de la volute ionique dans Mozart, » disait un jour Gounod, caractérisant d’un mot pittoresque ce style, fait de charme et de pureté, source d’une impression d’art analogue a celle que nous a donnée la Grèce antique. De temps en temps, de la terre sacrée d’Hellade sort un fragment de marbre de Paros, un bras, un débris de torse, éraflé, injurié par les siècles ; ce n’est plus que l’ombre du dieu créé par le ciseau du statuaire, et pourtant le charme subsiste, le style divin resplendit malgré tout. Ainsi de Don Giovanni.

Si peu qu’il y reste de Mozart, c’en est assez pour qu’une lumière en émane, dont s’illumine le ciel de l’art, lumière douce mais intense, pénétrant jusqu’au fond des cœurs ; et l’on se sent en présence d’un art suprême, qui ne secoue pas violemment les nerfs, qui ne grise pas comme un breuvage frelaté, mais qui fait vibrer les cordes délicates et profondes de l’être ; et l’on se demande si la musique n’a pas atteint là son zénith, si les couleurs brillantes dont elle s’est teintée depuis ne sont pas celles du couchant. Question inutile : car l’avenir, qui seul peut nous juger, seul aussi la résoudra.