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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/209

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une salle énorme, d’attirer le grand public, et de faire accroire qu’on lui donnait les concerts de la rue Bergère ; Pasdeloup se montra exclusivement classique et germanique, inscrivant en grosses lettres sur ses affiches : BEETHOVEN, MOZART, HAYDN, WEBER, MENDELSSOHN ; ce qui voulait dire au public : La musique de ces maîtres est seule digne de vos oreilles ; le reste ne mérite pas votre attention. Il opposa une barrière infranchissable à la jeune École française, à laquelle les Sociétés de Sainte-Cécile et des Jeunes Artistes avaient ouvert leurs portes, et qui ne demandait qu’à s’élancer dans la carrière. En veut-on une preuve ? Un beau jour (il y avait deux ans que les Concerts populaires existaient), je suis tout surpris de voir sur l’affiche un morceau de ma façon ; je vais entendre la répétition générale et, l’exécution étant bonne, je me tiens coi. Le concert a lieu, le morceau est bissé ; je vais le lendemain remercier Pasdeloup, qui me reçoit tout de travers, me disant d’un ton rogue qu’il a joué le morceau parce que ça lui plaisait, et nullement pour m’être agréable, et qu’il n’a pas besoin de mes remerciements ; et il s’écoula dix années sans que mon nom reparût sur ses programmes, sous prétexte que son public n’aimait pas les œuvres nouvelles.

Une autre fois, j’eus la naïveté de lui proposer, pour un concert spirituel, l’Oratorio de Noël que j’avais écrit pour l’église de la Madeleine. Au bout de huit mesures, il se leva en s’écriant avec mépris :