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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/21

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joli début agreste du Prophète, qui n’était pas encore né quand Berlioz écrivit son traité, est encore venu lui donner un démenti.

Les grandes œuvres de Berlioz, à l’époque où parut l’ouvrage dont nous parlons, étaient pour la plupart inédites ; on ne les exécutait nulle part. Ne s’avisa-t-il pas de citer comme exemples, pour ainsi dire à chaque page, des fragments de ces mêmes œuvres ! Que pouvaient-ils apprendre à des élèves qui n’avaient jamais l’occasion de les entendre ?

Eh bien ! il en est de ce traité de Berlioz comme de son instrumentation : avec toutes ces bizarreries, il est merveilleux. C’est grâce à lui que toute ma génération s’est formée, et j’ose dire qu’elle a été bien formée. Il avait cette qualité inestimable d’enflammer l’imagination, de faire aimer l’art qu’il enseignait. Ce qu’il ne vous apprenait pas, il vous donnait la soif de l’apprendre, et l’on ne sait bien que ce qu’on a appris soi-même. Ces citations, en apparence inutiles, faisaient rêver ; c’était une porte ouverte sur un monde nouveau, la vue lointaine et captivante de l’avenir, de la terre promise. Une nomenclature plus exacte, avec des exemples sagement choisis, mais sèche et sans vie, eût-elle produit de meilleurs résultats ? Je ne le crois pas. On n’apprend pas l’art comme les mathématiques.

Le paradoxe et le génie éclatent à la fois dans Roméo et Juliette. Le plan est inouï ; jamais rien de semblable n’avait été imaginé. Le prologue (retranché