Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/223

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mille fois exposées ; et cela continue toujours, et l’on ne saurait prévoir quand cela s’arrêtera. Il va sans dire que les questions sont épuisées depuis longtemps ; on rabâche les mêmes dissertations, les mêmes descriptions, les mêmes doctrines. J’ignore si le public y prend intérêt ; on ne paraît pas d’ailleurs s’en inquiéter.

Cela saute aux yeux. Ce qu’on ne remarque peut-être pas autant, ce sont les aberrations étranges qui parsèment la plupart de ces nombreux écrits ; et nous ne parions pas de celles inhérentes à l’incompétence inévitable des gens qui ne sont pas, comme on dit, du bâtiment. Rien n’est plus difficile que de parler musique : c’est déjà fort épineux pour les musiciens, cela est presque impossible aux autres ; les plus forts, les plus subtils s’y égarent. Dernièrement, tenté par l’attrait des questions wagnériennes, un « prince de la critique », un esprit lumineux ouvrait son aile puissante, montait vers les hauts sommets, et j’admirais sa maîtrise superbe, l’audace et la sûreté de son vol, les belles courbes qu’il décrivait dans l’azur, — quand tout à coup, tel Icare, il retombe lourdement sur la terre, en déclarant que le théâtre musical peut s’aventurer dans le domaine de la philosophie, mais ne peut faire de psychologie ; et comme je me frottais les yeux, j’arrive à ceci, que la musique est un art qui ne pénètre point dans l’âme et n’y circule pas par petits chemins ; que son domaine dans les passions