Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/226

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symbolique et légendaire, comment il doit être pensé musicalement, comment il doit exister dans l’orchestre et non dans les voix, comment on ne saurait appliquer à un drame musical de la musique d’opéra, quelle ont la nature essentielle du Leitmotiv, etc. ; dès qu’ils veulent, en un mot, nous initier à toutes ces belles choses, un brouillard épais descend sur le style ; des mots étranges, des phrases incohérentes apparaissent tout à coup, comme des diables qui sortiraient d’une boîte ; bref, pour exprimer les choses par mots honorables, on n’y comprend plus rien du tout. Point n’est besoin pour cela de remonter jusqu’à la fabuleuse et éphémère Revue wagnérienne, déclarant un jour à ses lecteurs stupéfaits qu’elle serait désormais rédigée en langage intelligible ; les écrivains les plus sages, les mieux pondérés, n’échappent pas à la contagion.

Doué par la nature d’un fonds de naïveté que les années n’ont pu parvenir à épuiser, j’ai longtemps cherché à comprendre. Ce n’est pas la lumière qui manque, me disais-je, c’est mon œil qui est mauvais ; j’accusais mon imbécillité native, je faisais pour pénétrer le sens de ces dissertations les efforts les plus sincères ; si bien qu’un jour, retrouvant ces mêmes raisonnements, inintelligibles pour moi, sous la plume d’un critique dont le style a d’ordinaire la limpidité du cristal de roche, je lui écrivis pour lui demander s’il ne pourrait, eu égard à la faiblesse de ma vue, éclairer un peu la lanterne. Il eut la