Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/225

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champ de l’expression musicale, en faisant comprendre, sous ce que disent les personnages, leurs plus secrètes pensées. Ce système avait été entrevu, ébauché déjà, mais on n’y prêtait guère attention avant l’apparition des œuvres où il a reçu tout son développement. En veut-on un exemple très simple, choisi entre mille ? Tristan demande : « Où sommes-nous ? — Près du but », répond Yseult, sur la musique même qui précédemment accompagnait les mots : « tête dévouée à la mort », qu’elle prononçait à voix basse, en regardant Tristan ; et l’on comprend immédiatement de quel « but » elle veut parler. Est-ce de la philosophie cela, ou de la psychologie ?

Malheureusement, comme tous les organes délicats et compliqués, celui-là est fragile ; il n’a d’effet sur le spectateur qu’a la condition pour celui-ci d’entendre distinctement tous les mots et d’avoir une excellente mémoire musicale.

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit pour le moment ; le lecteur voudra bien me pardonner cette digression.

Tant que les commentateurs se bornent à décrire les beautés des œuvres wagnériennes, sauf une tendance à la partialité et à l’hyperbole dont il n’y a pas lieu de s’étonner, on n’a rien à leur reprocher ; mais, dès qu’ils entrent dans le vif de la question, dès qu’ils veulent nous expliquer en quoi le drame musical diffère du drame lyrique et celui-ci de l’opéra, pourquoi le drame musical doit être nécessairement