Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/232

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Maintenant le public écoute l’orchestre, cherche à suivre les mille dessins qui s’enchevêtrent, le jeu chatoyant des sonorités ; il oublie pour cela d’écouter ce que disent les acteurs sur la scène, et perd de vue l’action.

Le système nouveau annihile presque complètement l’art du chant, et s’en vante. Ainsi, l’instrument par excellence, le seul instrument vivant, ne sera plus chargé d’énoncer les phrases mélodiques ; ce seront les autres, les instruments fabriqués par nos mains, pâles et maladroites imitations de la voix humaine, qui chanteront à sa place. N’y a-t-il pus là quelque inconvénient ?

Poursuivons. L’art nouveau, en raison de son extrême complexité, impose à l’exécutant, au spectateur même, des fatigues extrêmes, des efforts parfois surhumains. Par la volupté spéciale qui se dégage d’un développement inouï jusqu’alors des ressources de l’harmonie et des combinaisons instrumentales, il engendre des surexcitations nerveuses, des exaltations extravagantes, hors du but que l’art doit se proposer. Il surmène le cerveau, au risque de le déséquilibrer. Je ne critique pas : je constate simplement. L’océan submerge, la foudre tue : la mer et l’ouragan n’en sont pas moins sublimes.

Poursuivons toujours. Il est contraire au bon sens de mettre le drame dans l’orchestre, alors que sa place est sur la scène. Vous avouerai-je que cela, dans l’espèce, m’est tout à fait égal ? le