Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/231

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et quand Mlle Falcon jouait les Huguenots, quand Mme Malibran jouait Othello, quand Mme Viardot jouait le Prophète, l’émotion était à son comble ; on s’épouvantait aux lueurs sanglantes de la Saint-Barthélemy, on tremblait pour la vie de Desdémone, on frémissait avec Fidès retrouvant dans le Prophète, entouré de toutes les pompes de l’Église, le fils qu’elle avait cru mort… et l’on n’en demandait pas davantage.

Richard Wagner a « refrappé l’art à son image » ; sa formule a réalisé d’une façon nouvelle et puissante l’union intime des arts différents dont l’ensemble constitue le drame lyrique. Soit. Cette formule est-elle définitive, est-elle LA VÉRITÉ ?

Non. Elle ne l’est pas, parce qu’elle ne peut pas l’être, parce qu’il ne peut pas y en avoir.

Parce que, s’il y en avait, l’art atteindrait à la perfection, ce qui n’est pas au pouvoir de l’esprit humain.

Parce que, s’il y en avait, l’art ne serait plus ensuite qu’un ramassis d’imitations condamnées par leur nature même à la médiocrité et à l’inutilité.

Les différentes parties dont se compose le drame lyrique tendront sans cesse à l’équilibre parfait sans y arriver jamais, à travers les solutions toujours nouvelles du problème.

Naguère on oubliait volontiers le drame pour écouter les voix, et, si l’orchestre s’avisait d’être trop intéressant, on s’en plaignait, on l’accusait de détourner l’attention.