Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/247

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actuelle depuis l’apparition sensationnelle à Messidor à l’Opéra. Gounod ne m’a jamais chanté une note de Georges Dandin et je ne connais encore rien de Messidor ; je puis donc traiter la question en toute liberté d’esprit, sans crainte de me heurter à des aperçus secondaires de critique ou de personnalité.

Je m’étais pourtant bien promis de n’en jamais souffler mot. Les théories, en art, me paraissent tenir si peu de place à côté de la pratique ! D’autre part, mon avis ne s’accordant pas avec celui des autres, — de ceux du moins qui prennent la parole, — je craignais de m’aventurer dans une mauvaise passe. Qu’importe après tout ? Si l’on me traite de routinier et d’imbécile, où sera le mal ? c’est le pis qui puisse m’arriver, et cela m’est bien indifférent !…

J’attaquerai donc le taureau par les cornes, et je dirai, tout net, que les arguments employés en faveur de la prose ne m’ont jamais convaincu.

On a mis en musique, dit-on, de la prose allemande, de la prose anglaise. Pourquoi n’y pas mettre de la prose française ?

Pourquoi ? Parce que le mécanisme de la langue française est tout différent de celui des autres.

L’allemand, l’anglais, sont des langues fortement accentuées et rythmées, où les longues et les brèves ont une puissance tyrannique, alors que les mêmes accents, chez nous, sont assez peu sensibles pour que beaucoup de personnes n’en aient pas