Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/248

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conscience. Les Méridionaux prononcent âme, flamme, comme lame, femme ; bête comme bette, hôte comme hotte. La cadence du vers et la rime apportent à la langue un modelé qui la rapproche de la musique, et lui fait défaut sans cela.

Dans la langue allemande, qu’il s’agisse de prose ou de vers, toutes les syllabes se prononcent distinctement. En anglais, il se fait une effroyable consommation de syllabes sacrifiées, qui disparaissent dans la prononciation, mais elles disparaissent également en prose et en vers.

Dans notre langue, il n’en est pas ainsi. Nous avons des syllabes muettes, qu’il est nécessaire de faire sentir dans le vers, et que l’on escamote en disant la prose ; je sais bien qu’il est de mode d’enseigner que les vers doivent être dits comme de la prose ; mais tel n’est pus l’avis des poètes, ni des fins diseurs comme M. Legouvé qui a protesté contre ce système. N’est-ce pas lui qui a cité en exemple ces vers de Racine :

    Ariane, ma sœur, de quelle amour blessée
    Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.

en faisant remarquer que si l’on prononçait blessé, laissé, tout le charme des vers s’évaporait ? c’est pourtant ainsi que l’on prononce en prose.

Attendez, nous ne sommes pas au bout !

« Ariane, ma sœur. » En prose, à Paris du moins on prononce A-rian’ ; le mot n’a plus que deux syllabes ; en vers, il en a quatre. Il en sera