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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/250

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On ne parle jamais de ces difficultés, impossibles à éluder pourtant ; on reste dans le vague, on se place à un point de vue idéal, comme si les difficultés n’existaient pas. C’est la liberté, dit-on, que la prose apporte du compositeur dans les larges plis de sa phrase ample et sonore. C’est une liberté, on vient de le voir, qui comporte de terribles impedimenta, à moins qu’on ne veuille regarder comme de la prose le langage non rimé employé par Louis Gallet dans Thaïs ; mais c’est là une langue spéciale, qui n’a de la prose que le nom ; ce sont des vers blancs, dont l’harmonie délicate supplée ingénieusement celle de la rime. Exception dont il convient de tenir compte, mais qui ne résout pas complètement la question.

La variété infinie des périodes en prose, a dit Gounod, ouvre devant le musicien un horizon qui le délivre de la monotonie et de l’uniformité……… le vers, espèce de dada qui, une fois parti, emmène le compositeur, lequel se laisse conduire nonchalamment et finit par l’endormir dans une négligence déplorable….. la vérité de l’expression disparaît sous l’entraînement banal et irréfléchi de la routine….. la prose, au contraire, est une mine féconde…

A la place du compositeur, mettez le poète : vous avez le procès du drame en vers, le portrait de ces mauvaises tragédies qui sévissaient au commencement du siècle, dont l’alexandrin banal et routinier, d’une désolante monotonie, s’endormait dans