Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/254

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Lisez-le, c’est grotesque ; chantez-le, cela donne le frisson.

Et ce qu’il y a de plus curieux, ce qu’on n’a peut-être pas assez remarqué, c’est que le sentiment du vers et sa forme même subsistent dans l’oreille. C’est a priori, et, sans tenir compte des faits, que l’on croit en pareil cas les vers défigurés ; ils le seraient à la lecture, ils ne le sont pas lorsqu’ils sont chantés, du moins pour les auditeurs doués du sentiment musical.

Il est certain que la parole associée au chant acquiert des propriétés nouvelles, mal étudiées encore.

Il est certain que la répétition, employée avec art, ajoute à la force de l’expression sans rabaisser le vers au niveau de la prose : le tout est de savoir s’en servir. Gounod y excellait.

Que conclure de tout ceci ? ce que l’on voudra. Pour moi, le vers n’est pas une entrave ; et si l’on veut autre chose, il faudra toujours que ce quelque chose lui ressemble de près ou de loin, pour les raisons que je me suis efforcé d’exposer.

Ce serait au Public, en définitive, qu’il appartiendrait de prononcer ; mais il ne faut pas compter sur lui. Le Public N’ÉCOUTE PAS LES PAROLES ! Je connais des amateurs qui s’en vantent, tout en se déclarant grands admirateurs des œuvres de Gluck et de Wagner ; je me demande en vain quel sens et quel intérêt ils peuvent y trouver dans ces conditions. Et ce sont des gens intelligents ! Jugez des autres !……