Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Berlioz, qui n’ayant pas pratiqué le piano avait un éloignement instinctif pour l’enharmonie ; il est en cela l’antipode de Richard Wagner, l’enharmonie faite homme, celui qui a tiré de ce principe les plus extrêmes conséquences. Les critiques, et, à leur suite, le public, n’en mettent pas moins les têtes de Wagner et de Berlioz dans le même bonnet ; cette promiscuité forcée sera l’étonnement des âges futurs.

Sans vouloir s’arrêter trop longtemps aux Fantaisies que Liszt a écrites sur des motifs d’opéras (il y en a toute une bibliothèque), il convient de ne pas passer indifférent devant ses « Illustrations du Prophète », que domine une cime aussi éblouissante qu’inattendue, la « Fantaisie et Fugue pour orgue », sur le choral Ad nos, ad salutarem undam, transition entre les arrangements plus ou moins libres de l’auteur et ses œuvres originales. Cette composition gigantesque, dont l’exécution ne dure pas moins de quarante minutes, a cette originalité que le thème sur lequel elle est construite n’y apparaît pas une seule fois dans son intégrité ; il y circule d’une façon latente, comme la sève dans l’arbre. L’orgue est traité d’une façon inusitée qui augmente singulièrement ses ressources, et l’auteur semble avoir prévu par intuition les récents perfectionnements de l’instrument, comme Mozart dans sa Fantaisie et Sonate en Ut mineur avait deviné le piano moderne. Un orgue colossal, d’un maniement facile, un exécutant