Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

celui de Weimar, le grand, le vrai, que la fumée de l’encens brûlé sur les autels du piano avait voilé trop longtemps. Entrant résolument dans la voie ouverte par Beethoven avec la Symphonie pastorale et si brillamment parcourue par Berlioz, il déserte le culte de la musique pure pour celui de la musique dite « à programme » qui prétend à la peinture de sentiments et de caractères nettement déterminés ; se lançant à corps perdu dans les néologismes harmoniques, il ose ce que personne n’avait osé avant lui, et s’il lui arrive parfois, suivant l’euphémisme curieux d’un de ses amis, de « dépasser les limites du beau », il fait aussi dans ce domaine d’heureuses trouvailles et de brillants découvertes. Il brise le moule de l’antique Symphonie et de la vénérable Ouverture, et proclame le règne de la musique libre de toute discipline, n’en ayant plus d’autre que celle qu’il plaît à l’auteur de créer pour la circonstance où il lui convient de se placer. A la sobriété orchestrale de la symphonie classique, il oppose tout le luxe de l’orchestre moderne, et de même qu’il avait, par des prodiges d’ingéniosité, introduit ce luxe dans le piano, il transporte dans l’orchestre sa virtuosité, créant une orchestration nouvelle d’une richesse inouïe, en profitant des ressources inexplorées qu’une fabrication perfectionnée des instruments et le développement du mécanisme chez les exécutants mettaient à sa disposition. Les procédés de Richard Wagner sont souvent cruels ; ils ne tiennent aucun compte de