Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/45

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deviennent-ils donc, sinon de la musique instrumentale descriptive et « à programme ». Qu’est donc le prélude du troisième acte de Tannhäuser, qui prétend raconter tout ce qui se passe dans l’entracte, l’histoire du pèlerinage à Rome et de la malédiction du Pape ? Que signifie la protection dont les wagnériens ont entouré Berlioz, qui n’a pas écrit une note de « musique pure » ?

En voilà assez sur ce sujet. Le spectacle de l’ingratitude et de la mauvaise foi est trop répugnant pour qu’il convienne de s’y arrêter longtemps.

Gravissons plutôt les sommets lumineux de l’œuvre du maître, et laissant de côté, à regret, d’autres productions d’un vif intérêt, des marches, des chœurs, le Prométhée, contemplons les grandes compositions religieuses où il a mis le plus pur de son génie, les Messes, les Psaumes, le Christus, la Légende de Sainte Élisabeth. Dans ces régions sereines le « pianiste » disparaît. Une forte tendance au mysticisme qui se montre de temps à autre dans son œuvre, jusque dans des morceaux pour piano où elle produit quelquefois un étrange effet (comme dans « les jeux d’eau de la villa d’Este » où d’innocentes cascades deviennent à la fin la Fontaine de vie, la source de la grâce avec paroles de l’Écriture à l’appui), trouve ici sa place et son développement. C’est avec un art consommé que Liszt, à l’étonnement de beaucoup de gens, a tiré parti des voix, c’est avec une correction parfaite qu’il a traité la prosodie latine, étudiée à fond. Ce