Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/46

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fantaisiste est un impeccable liturgique. Les parfums de l’encens, le chatoiement des vitraux, l’or des ornements sacrés, la splendeur incomparable des cathédrales se reflètent dans ses Messes au sentiment profond et au charme pénétrant. Le Credo de la Messe de Gran, avec sa magnifique ordonnance, ses belles témérités harmoniques et son puissant coloris, son effet dramatique mais nullement théâtral, de ce dramatique spécial propre au Mystère et que peut admettre l’Église, suffirait seul à classer l’auteur au premier rang des grands poètes de la musique. Aveugle qui ne le voit pas !

Dans Christus et Elisabeth, Liszt a créé un genre d’oratorio tout différent du modèle classique, découpé en tableaux variés et indépendants, où le pittoresque tient une large place. Elisabeth a la fraîcheur et la naïveté de la légende qui lui a donné naissance, et l’on se prend à regretter, en l’écoutant, que l’auteur n’ait pas écrit pour la scène ; il y eût apporté sa note personnelle, un grand sentiment dramatique et un respect de la nature et des ressources de la voix humaine trop souvent absents d’œuvres célèbres que tout le monde connaît. Christus, que l’auteur regardait, je crois, comme son œuvre capitale, est d’une dimension exagérée et dépasse un peu les bornes de la patience humaine ; doué de grâce et de charme plutôt que de force et de puissance, Christus paraît à la longue passablement monotone ; mais il est naturellement divisé en tranches séparées, ce qui