Aller au contenu

Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la mélodie, ou plutôt, sous cette étiquette, du motif s’implantant sans effort dans la mémoire, facile à saisir du premier coup. Une belle période, comme celle qui sert de thème à l’adagio de la Symphonie en Si bémol, de Beethoven, n’était pas « de la mélodie », et l’on pouvait, sans ridicule, définir Beethoven « l’algèbre en musique ». De telles idées régnaient encore il y a vingt ans : les amateurs de curiosités, s’ils voulaient prendre la peine de jeter un coup d’œil sur l’article qui, dans mon livre Harmonie et Mélodie, donne son titre au volume, y trouveraient une critique assez vive dirigée, non contre la mélodie elle-même, mais contre l’importance exagérée qu’on lui attribuait alors. Un tel article n’aurait plus de raison d’être à notre époque, la mélodie étant regardée actuellement comme une de ces choses que la pudeur interdit de nommer.

Il y a quarante ans, on parlait de Robert le Diable et des Huguenots avec une sorte de terreur sacrée, avec onction et dévotion de Guillaume Tell Hérold, Boïeldieu, déjà classiques, Auber, Adolphe Adam se disputaient la palme de l’École française ; pour Auber, le succès allait jusqu’à l’engouement, et il n’était pas permis de constater les négligences dont un œuvre aussi considérable que le sien, écrit aussi hâtivement, est nécessairement parsemé. On sait quel injuste abandon a succédé à cet enthousiasme. Ce n’est pas ici le lieu de traiter une telle question ; mais, sans s’y attarder, ne peut-on exprimer le regret qu’on n’ait pas su rester à mi-