Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/55

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chemin de deux exagérations contraires ? Tandis que chez nous on ose à peine parler de la Dame Blanche, du Domino Noir, ces mêmes ouvrages tiennent encore ailleurs, même en Allemagne, une place honorable, et les étrangers leur trouvent le goût de terroir que nous nous refusons à y reconnaître. On ne veut plus que du Grand Art ! C’est fort bien, mais comme de temps à autre il faut bien rire un brin, dans le vide laissé par l’opéra-comique s’est logée l’opérette. Sans vouloir médire d’un genre qui, après tout, est un genre, et dont quelques spécimens ont apporté une note nouvelle qui n’est pas sans prix, on est bien forcé de reconnaître que la création de ce genre n’a pas été un progrès, et que pour écrire, pour exécuter des ouvrages comme ceux que l’on dédaigne, il fallait dépenser une toute autre somme de talent que pour les œuvres frivoles d’aujourd’hui. Les interprètes d’antan étaient Roger, Bussine, Hermann-Léon, Jourdan, Coudere, Faure, Mmes Damoreau, Carvalho, Ugalde, Caroline Duprez, Faure-Lefebvre, et tant d’autres, artistes passés maîtres dans le chant, le jeu, l’art du dialogue. « C’était le bon temps, » comme on dit quelques fois avec moins de justesse.

En dehors de ces deux grandes masses d’auditeurs dont nous avons parlé, un petit noyau de musiciens et d’amateurs, soucieux de la musique aimée et cultivée pour elle-même, adorait dans l’ombre Haydn, Mozart et Beethoven, avec quelques échappées sur Bach et Haendel, et les