Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

curieuses tentatives, vers la musique du seizième siècle, du prince de la Moskowa. Hors de la Société des Concerts du Conservatoire et de quelques Sociétés de musique de chambre hantées seulement par quelques initiés, il était inutile de chercher à faire entendre une symphonie, un trio, un quatuor ; les auditeurs n’y voyaient que du feu. Situation fâcheuse, assurément, mais comportant peut-être, à certains égards, plus d’avantages que d’inconvénients. Le public, en suivant la pente naturelle qui le menait vers le théâtre et les œuvres françaises, favorisait l’École nationale ; chaque année, l’Opéra et l’Opéra-Comique faisaient ample consommation d’ouvrages nouveaux ; on recherchait les primeurs autant qu’on les a évitées depuis, et tout opéra, sauf le cas d’une chute irrémédiable, était assuré d’un succès de curiosité ; tout jeune compositeur bien doué et sachant son métier pouvait espérer fournir une honorable carrière. Aujourd’hui, le public sait tout, comprend tout, et ne veut ouvrir ses nobles oreilles que pour des chefs-d’œuvre : les chefs-d’œuvre étant rares, comme il y a toujours plusieurs à parier contre un qu’une œuvre nouvelle ne sera pas un chef-d’œuvre, le public ne s’intéresse plus aux nouveautés ; l’École française, privée de l’indispensable aliment, se meurt d’inanition. L’Angleterre, bien avant nous, avait créé chez elle cette situation, et il eût été prudent de ne pas l’imiter. Si nous continuons dans cette voie, la France musicale ne sera bientôt plus qu’un musée