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Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/68

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après en avoir écrit deux actes, l’avait abandonné. C’est que le sujet, séduisant au premier abord, était trompeur, ne comportant pas de dénouement. Deux amoureux, contrariés dans leurs projets par des parents cruels, cherchent à fuir. Justement la nuit se prépare où, chaque année, suivant une légende, la Nonne Sanglante (une jeune fille qui s’est tuée par amour vingt ans auparavant et qui porte sur son suaire une longue traînée de sang caillé) doit apparaître à minuit. Les amoureux ne croient pas à la légende : personne n’a jamais vu la nonne, tous fuyant à son approche ; on ne connaît que la lueur de sa lampe sépulcrale, aperçue de loin dans les galeries du palais. La jeune fille se déguisera en spectre, et passera, une lampe à la main ; nul n’osera l’approcher, et la fuite sera facile. Le fiancé arrive le premier au rendez-vous ; à minuit, la lampe brille travers les arceaux, et c’est la Nonne Sanglante elle-même, prise par le jeune homme pour sa fiancée, qui vient recevoir ses serments d’amour et son anneau de fiançailles. La situation est terrible et causait à la scène une impression de cauchemar. Mais que faire ensuite de tels personnages ? La Nonne emmenait le jeune homme dans une sorte d’assemblée de revenants, et lui faisait jurer de l’épouser ; puis elle devenait une « femme crampon » et sa persistance à réclamer l’accomplissement du serment arraché dans la nuit fatale, cet appétit du mariage survivant à vingt années de sépulture, tournaient au comique. Selon