Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/76

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générale, l’artiste, merveilleux de prestance et d’éclat pendant le premier acte, perdit la voix au milieu de la soirée, et il fallut renoncer à son concours. Certains détails de la pièce n’étaient pas « au point ». Dans la Nuit de Walpurgis, tous les choristes hommes, transformés en sorcières, vêtus de souquenilles et chevauchant des balais, se démenaient comme des poulains échappés en soulevant des nuages de poussière, et l’effet de ce ballet n’avait pas été heureux. Il fallut se remettre à l’ouvrage, trouver un ténor ; on trouva Barbot, qui possédait, à défaut d’une grande voix, un grand talent. Il faisait fort bien le trille et ne consentit à jouer le rôle qu’à la condition de pouvoir, une fois au moins dans la soirée, perler un trille en toute liberté. Il fallut lui passer cette fantaisie, et un long trille enflé et diminué avec un art consommé, digne de servir de modèle à tous les trilles de l’univers, couronna le bel air : Salut, demeure chaste et pure, où il produisait l’effet d’une jolie boucle de cheveux sur un sorbet.

Enfin, après trois semaines de travail supplémentaire, vint l’inoubliable « première ». On sait que le succès fut hésitant ; il ne le fut pas toutefois pour la principale interprète, et les séductions de sa voix, de sa diction, de sa personne même vinrent à bout de toutes les résistances. On déblatérait ferme dans les couloirs. « Cela ne se jouera pas quinze fois, » disaient en haussant les épaules deux éditeurs célèbres, ardents champions de l’École italienne. « Il