Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/78

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Peletier ; d’autres espéraient, s’il faut l’avouer, qu’elle y échouerait, que l’instrumentation de Gounod ne « tiendrait » pas à côté de celle de Meyerbeer. Ce fut le contraire qui arriva : le doux orchestre emplit la salle sans écraser les voix, et celui de Meyerbeer a paru depuis un peu aigre en comparaison.

Le succès de la soirée fut pour le ballet. La place en était marquée, et il eût existé dès le principe si le Théâtre-Lyrique avait possédé un corps de ballet suffisant ; il y était remplacé par une chanson à boire de peu d’intérêt, chantée par Faust devant un groupe de jolies femmes à demi couchées sur des lits antiques à la façon des courtisanes de la célèbre toile de Couture : la Décadence romaine. Les mêmes figurantes avaient formé ce tableau pendant dix ans, si bien qu’à la fin le récit de Méphistophélès — Reines de beautéDe l’antiquité — devenait légèrement ironique. A l’Opéra, Perrin, qui s’y entendait, déploya des splendeurs inouïes, et Saint-Léon, violoniste et compositeur, un maître de ballet comme on n’en a pas vu ni avant ni depuis, calqua sur cette musique de volupté la plus ingénieuse féerie qui se puisse imaginer ; il est fâcheux que la tradition n’en ait pas été fidèlement conservée. Un incident comique survint à la première représentation. Tandis qu’Hélène, sous les traits de la sculpturale mademoiselle Marquet, mimait les nobles périodes de la musique, des femmes l’entouraient portant sur leurs têtes des vases