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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/299

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236 OPPOSITION A LA RECEPTION (1695)

affaire sur le tapis avec plus de confiance à la première assemblée, où M. de La Trémoille ne parut point. M. de Chaumes fut étonné et fort fâché de se voir abandonné de M. de La Rochefoucauld revenu à notre avis. Il avoit de l’amitié pour moi ; son chagrin tomba sur le duc de Rohan, qui, vif, aigre et peu considéré, mit le bonhomme Chaumes, toujours si mesuré, en telle colère, que de part et d’autre les grosses paroles commençoient à échapper entre les dents. Cela nous hâta, de peur de pis, de rompre brusquement l’assemblée, où il ne fut encore rien conclu.

M. de La Rochefoucauld et moi raisonnâmes le lendemain ensemble, et sentîmes que le plus grand mal qui nous pût arriver seroit la désunion, et nous conclûmes qu’avant tout, il falloit se hâter de raccommoder ces deux ducs et les disposer à opiner plus paisiblement, et mettant tout autre intérêt à part et toute fantaisie personnelle, n’aller qu’au but et au bien de notre affaire commune. Après un assez long entretien tête à tête, M. de La Rochefoucauld s’en chargea ; il n’y perdit pas un moment, et heureusement il y réussit avant la première assemblée. Celle-ci fut tranquille, et M. de La Trémoille y revint. Il fut proposé de négocier avec le premier président et de le faire sonder ; mais ce hameçon fut modestement mais très-fermement rejeté, et enfin la récusation du premier président résolue. On accorda seulement, à la considération que nous avions tous pour M. de Chaumes, qu’on ne feroit point assigner M. de Gesvres tant que rien ne péricliteroit, et qu’on attendroit à le faire autant qu’on le pourroit sans hasarder ce qui venoit d’être résolu. Ensuite on proposa de prendre une requête civile au nom des ducs de Lesdiguières, de Brissac et de Rohan, dont pour abréger je n’expliquerai ni les raisons ni la procédure ; mais M. de Rohan refusa d’y consentir jusqu’à ce que préalablement le duc de Gesvres eût été mis en cause, et ne se contenta d’aucunes raisons ni d’aucunes paroles qu’on lui voulut donner. Son consentement enfin ne s’arracha qu’après tant d’allées et