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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/331

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tranchements pour bien assurer le passage de l’arrière-garde, et la hauteur des bords du Rhin, très-supérieure à l’autre côté, qui auroit donné aux batteries que les ennemis auroient pu établir la facilité de rompre le pont sous l’armée à demi passée, de fouetter l’autre rivage, et d’y démonter les batteries que nous y aurions faites.

Après quatre heures de halte assez inutile pour remettre quelque ordre dans l’armée, elle continua sa marche sur les quatre mêmes colonnes autant qu’elle le put, jusqu’aux ponts que Charmarel avoit faits sur le ruisseau de Schweitzingen, et bientôt après on entendit sept ou huit coups de canon ; des brigades entières firent volte-face et coururent, sans aucun commandement, vers ce bruit pendant un bon quart d’heure, que les officiers généraux arrêtèrent tout, et les firent remarcher d’où elles étoient parties. C’étoit Schwartz, qui, sorti des bois avec très-peu de monde et quelques petites pièces de campagne, étoit venu enfin voir s’il ne pourroit point profiter de notre désordre, et, suivant ce qu’il trouveroit, se faire soutenir de tout son corps ; mais il s’en étoit avisé trop tard. Le maréchal de Joyeuse débanda sur lui Gobert, excellent brigadier de dragons, avec son régiment et quelques troupes détachées, qui rechassèrent fort brusquement ce peu de monde dans les bois. Si le maréchal eût fait soutenir Gobert, comme il en fut fort pressé, il auroit eu bon marché de cette poignée de gens trop éloignée de leur gros et leur eût pris leurs pièces de campagne ; mais il aima mieux allonger sa marche sans s’amuser à ce petit succès, dans l’incertitude de ce qui pouvoit être dans les bois, où on sut depuis qu’il n’y avoit personne, par Derrondes, major de Gobert, officier très-distingué qui fut pris, et comblé de civilités par le prince Louis, qui blâma fort cette équipée que Schwartz avoit hasardée de lui-même.

On continua donc la marche par une telle chaleur, que plusieurs soldats moururent de soif et de lassitude. Le