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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/333

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battu, dépouillé et chassé. La Bretesche se sut bon gré de ne m’avoir pas cru, qui lui avois conseillé de défaire sa jambe de bois pour se reposer plus à son aise ; il m’a souvent dit qu’il n’avoit jamais rien vu de semblable quoiqu’il se fût plusieurs fois trouvé à des pillages et à des sacs. Nous achevâmes de passer la nuit du mieux que nous pûmes en ce malheureux endroit, qui ne fut abandonné que longtemps après qu’il n’y eut plus rien à y trouver. Dès qu’il fit grand jour La Bretesche et moi allâmes au camp.

Nous trouvâmes l’armée qui commençoit à s’ébranler. Elle avoit passé la nuit comme elle avoit pu, sans ordre, les troupes arrivant toujours, et les dernières ne faisant que de joindre. On alla camper sur sept ou huit lignes à une grande demi-lieue, la droite et le quartier général au village de Neckerau, la gauche au Necker, le centre et le cul aux ruines de Manheim ; on avoit réparé comme on avoit pu avec des palissades celles de la citadelle, et on y travailloit encore. On y jeta six brigades d’infanterie avec Chamilly pour lieutenant général de l’armée, et Vaubecourt, maréchal de camp. L’embouchure du Necker dans le Rhin étoit tout à fait près de notre gauche. On demeura là deux jours, et tous sans exception réduits à la paille et à la gamelle des cavaliers, jusqu’à ce que le pont de bateaux fut achevé où Barbezières l’avoit marqué, et cependant on dressa une batterie de canons dans la première île. Enfin le 24, toute l’armée repassa le Rhin sans que les ennemis eussent seulement fait mine de nous suivre, en sorte que tout se passa avec la plus grande tranquillité. Nous n’ouïmes plus parler d’eux de toute la campagne ; et le lendemain de ce passage le maréchal de Joyeuse me permit d’aller à Landau, où je demeurai avec M. et Mme la maréchale de Lorges, jusqu’à ce que ce général s’alla remettre à la tête de l’armée.

M. de Vendôme promit de grandes choses, prit Hostalric,