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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/366

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le faire premier écuyer de Madame. L’un et l’autre la quittèrent, et vécurent dans une grande avarice et fort dans le néant. Ils voulurent garder leur fille, et M. de Luxembourg se mit chez eux.

Mme de Seignelay, outrée de ce qui venoit de lui arriver, trouva un mari qui lui donnoit un rang et de meilleure maison que M. de Luxembourg. Aussi, ne le manqua-t-elle pas ; et les Matignon ses oncles se cotisèrent pour brusquer cette affaire. Ce fut avec M. de Marsan, frère de M. le Grand. Cavoye, si intime de feu M. de Seignelay et de feu M. de Luxembourg, piqué du procédé avec Mme de Seignelay, en fit la noce chez lui à Paris où il y eut fort peu de monde.

M. de Duras fit un grand mariage pour sa seconde fille. L’aînée avoit épousé, il y avoit quelques années, le duc de La Meilleraye, fils unique du duc de Mazarin, mais qui n’avoit que des richesses avec sa dignité. Il trouva pour l’autre, avec les grands biens, tout ce qu’il pouvoit désirer d’ailleurs : ce fut le jeune duc de Lesdiguières, ardemment désiré des plus grands partis, parce qu’il étoit lui-même le plus grand parti de France. Sa mère, héritière des Gondi, étoit une fée solitaire qui ne laissoit entrer presque personne dans son palais enchanté, et que la maréchale de Duras sut pourtant pénétrer. Tout convenu dans un grand secret avec elle, qui étoit aussi la tutrice, il fut question des parents ; le maréchal de Villeroy et M. le Grand, qui étoient les plus proches du côté paternel, et la maréchale de Villeroy du maternel, firent grand bruit. Le maréchal et le père du jeune duc étoient enfants du frère et de la sœur, et la duchesse de Lesdiguières et la maréchale étoient filles aussi du frère et de la sœur. Mme d’Armagnac étoit sœur du maréchal ; lui et M. le Grand étoient intimes. Il ménageoit depuis longtemps Mme de Lesdiguières qui se servoit de son crédit à son gré. Plusieurs partis avoient manqué à Mlle d’Armagnac ; ils vouloient celui-ci, bien que plus jeune