Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier homme de cheval de son siècle, quoique déjà fort vieux. Une autre mort fit plus de bruit dans le monde, et y eut de grandes suites. C’est celle du fameux roi de Pologne Jean Sobieski, qui arriva subitement. Ce grand homme est si connu que je ne m’y étendrai pas.

En Catalogne, M. de Vendôme battit la cavalerie d’Espagne ; elle étoit de quatre mille hommes, à la tête desquels étoit le prince de Darmstadt. Ils en ont eu le quart tué ou pris, et le comte de Tilly, commissaire général, neveu de Serelves, est des derniers ; et il n’en a coûté qu’une centaine de carabiniers et autant de dragons. Longueval, lieutenant général, fut reconnoître, après l’action, leur infanterie qui étoit dans un camp retranché, et fut emporté d’un coup de canon.

L’Italie fut plus fertile. Le roi, résolu de ne rien oublier pour donner la paix à son royaume, qui en avoit un grand besoin, jugea bien qu’il n’y parviendroit qu’en détachant quelqu’un des alliés contre lui, dont l’exemple affaibliroit les autres, et lui donneroit plus de moyens de leur résister et de les amener à son but, et il pensa au duc de Savoie comme à celui dont les difficiles accès lui causoient plus de peine et de dépenses, et qui d’ailleurs se trouvoit fort molesté par les hauteurs de l’empereur, et très-mal content de l’Espagne, qu’il lui tenoient tous très-peu de tout ce qu’ils lui avoient promis et de ce qu’ils lui promettoient sans cesse. Le roi donc, pour parvenir à réussir dans son dessein, donna au maréchal Catinat une armée formidable et en même temps des instructions secrètes fort amples, avec des pleins pouvoirs pour négocier et, s’il se pouvoit, conclure avec M. de Savoie.

Catinat passa les monts de bonne heure, et, gardant une exacte discipline, menaçoit de dévaster tout, et de couper sans miséricorde tous les mûriers de la plaine, qui faisoient le plus riche commerce du pays, par l’abondance des soies,