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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/407

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Tout cela signé avec le dernier secret, il songea à se délivrer de ses alliés qui l’obsédoient, qui le soupçonnoient, qui étoient plus forts que lui, et qui, selon toute apparence, alloient devenir ses ennemis. Pour y parvenir, il fit semblant de prêter l’oreille aux nouvelles propositions qu’ils lui firent, et au renouement de celles de mariage de sa fille aînée avec le roi des Romains, dont le refus qu’en avoit fait l’empereur l’avoit sensiblement piqué ; en même temps il proposa une revue des troupes étrangères, à distance éloignée de Turin, où il mit ses troupes dans les postes qu’elles occupoient. Il avoit eu, sous d’autres prétextes, la même précaution pour Coni et pour ses autres places, et quand il fallut aller à la revue, il demeura à Turin et s’en excusa. Après ces précautions, il se déclara. Il leur manda qu’il étoit contraint d’accepter la neutralité d’Italie que le roi lui faisoit offrir, et qu’il les prioit aussi de l’accepter de même. Le marquis de Leganez, le prince Eugène et milord Galloway avoient ordre de lui obéir, et n’osèrent se porter à une violence ouverte, ils se continrent et attendirent de nouveaux ordres. En même temps M. de Savoie masqua sa paix d’une trêve de trente jours avec le maréchal Catinat, à qui il envoya le comte Jana, chevalier de l’Annonciade, et le marquis d’Aix, pour otages, et reçut en même temps le comte de Tessé et Bouzols en la même qualité. Ces choses se passèrent les premiers jours de juillet, et ensuite la trêve fut prolongée.

Cependant le célèbre Jean Bart brûla cinquante-cinq vaisseaux marchands aux Hollandois, parce qu’il ne put les amener, après avoir battu leur convoi, et leur coûta une perte de six ou sept millions. Notre île de Ré fut un peu bombardée ; ils allèrent après devant Belle-Ile, et se retirèrent sans rien faire.