Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle le demanda ; le monde le crut et le souhaita, mais les vingt mille écus que Mme Barbisi, la vieille mie de la duchesse du Lude, fit accepter à la vieille servante de Mme de Maintenon, décidèrent contre Mme d’Arpajon. Le roi voulut la consoler, et Mme de Maintenon aussi, et firent la comtesse de Roucy, sa fille, dame du palais. La mère ne prit point le change, elle demeura outrée ; le transport de joie de sa fille l’affligea encore plus, et leur séparation entière qu’elle envisageoit, l’accabla ; elle aimoit fort sa fille, que cette place attachoit en un lieu où la mère ne pouvoit plus paroître que fort rarement avec bienséance, et elle se voyoit tombée en solitude. Elle ne la put porter : peu de mois après elle eut une apoplexie dont elle mourût quelque temps après.

Cette consolation prétendue donnée à Mme d’Arpajon, et cette différence des deux belles-sœurs, la comtesse de Roucy, faite dame du palais, et Mme de Blansac, chassée, combla la douleur de la maréchale de Rochefort. Elle étoit cousine germaine de la duchesse du Lude, filles des deux sœurs, et vivoit fort avec elle, autre crève-cœur. À peine la voulut elle voir, et ne reçut qu’avec aigreur toutes ses avances. Enfin, après avoir longtemps gémi, elle fut apaisée par une place nouvelle de menin de Monseigneur donnée au marquis de Rochefort son fils, sans qu’elle l’eût demandée.

Dangeau étoit un gentilhomme de Beauce, tout uni, et huguenot dans sa première jeunesse ; toute sa famille l’étoit qui ne tenoit à personne. Il ne manquoit pas d’un certain esprit, surtout de celui du monde, et de conduite. Il avoit beaucoup d’honneur et de probité. Le jeu, par lequel il se fourra à la cour, qui étoit alors toute d’amour et de fêtes, incontinent après la mort de la reine mère, le mit dans les meilleures compagnies. Il y gagna tout son bien ; il eut le bonheur de n’être jamais soupçonné ; il prêta obligeamment ; il se fit des amis, et la sûreté de son commerce lui en acquit d’utiles et de véritables. Il fit sa cour aux maî-