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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/433

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Choiseul à la cour, qui met en quartiers de fourrages et me donne congé. — Mort de M. Frémont, beau-père de M. le maréchal de Lorges. — Naissance de ma fille.


Après une longue oisiveté en ces armées et en Flandre, les vingt mille hommes de Hesse et d’autres contingents furent renvoyés au prince Louis de Bade, qui, avec ce qu’il avoit d’ailleurs, se trouva le double plus fort que le maréchal de Choiseul, et en état et en volonté d’entreprendre le siège de Philippsbourg, dont tous les amas étoient depuis l’hiver dans Mayence, et toutes les précautions prises depuis pour que rien n’y pût manquer. L’empereur pressoit l’exécution de ce dessein avec toute l’ardeur que lui inspiroit son dépit de la paix de Savoie, et son extrême désir de reculer la générale, à laquelle celle-là commençoit à donner un grand branle. Sur les avis que le maréchal de Choiseul en donna à la cour, il en reçut deux lettres fort singulières et en même temps contradictoires. Par la première, Barbezieux lui faisoit écrire par le roi de jeter huit de ses meilleurs bataillons dans Philippsbourg et quatre dans Landau, et de se retirer après en pays de sûreté contre l’invasion du prince Louis. Il faut remarquer que le maréchal n’avoit dans son armée que douze bons bataillons et que tout le reste de son infanterie étoit de nouvelles levées, ou des bataillons de salade ramassés des garnisons. En suivant cet ordre il n’avoit plus à compter sur ce qui lui seroit resté d’infanterie, et en abandonnant ces places au renfort qu’il y auroit jeté, l’exemple récent de Namur devoit persuader qu’elles n’en seroient pas moins perdues. Par l’autre lettre en réponse au maréchal, le roi lui marquoit qu’il n’étoit pas persuadé que le prince Louis pensât à passer le Rhin à Mayence, mais que, s’il songeoit à l’entreprendre, il se persuadoit que le maréchal l’empêcheroit bien d’y déboucher, c’est-à-dire empêcher un ennemi de passer sur un pont à lui, dans une place à lui, et de déboucher sur une contrescarpe à lui, dans une plaine.